Cédric Donnars exerce le droit dans le domaine du digital. Il a d’abord exercé en tant qu’avocat au barreau de Quimper (29) avant de devenir juriste au sein de la direction juridique d’un groupe bancaire.
Pouvez-vous nous expliquer votre parcours et les études que vous avez effectuées ?
Je suis diplômé d’un master 2 en droit des affaires, d’un DU en Fiscalité de l’entreprise et d’un master 2 en droit du numérique. J’ai également obtenu le certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA). J’ai exercé en tant qu’avocat pendant plusieurs années avant d’être recruté, il y a deux ans, en qualité de juriste au sein de la direction juridique d’un groupe bancaire.
Je tiens à préciser que mon parcours n’est pas celui de l’étudiant « modèle ». J’ai commencé classiquement le droit après le BAC mais j’ai mis un terme à mes études en master I de droit européen. Je suis rentré dans la vie active en exerçant un métier qui n’a rien a voir avec le droit. J’ai finalement souhaité revenir vers le droit un peu avant mes 30 ans.
Cette précision me paraît importante et destinée à ceux qui redoutent que les études de droits soient une épreuve de performance, libre à ceux qui peuvent y trouver de la motivation de penser cela, mais la réussite nécessite certes du travail mais aucunement une pression inutile. Il faut se fixer son objectif, y mettre les moyens et être attentif aux rencontres. Ce sont de belles années.
Avez-vous passé un Diplome de Juriste Conseil d’Entreprise (DJCE) ?
Non je n’ai pas passé ce diplome, malgré le fait qu’il soit reconnu, puisqu’il ne m’était pas nécessaire. En revanche j’ai un diplôme équivalent.
Quelles sont vos missions en tant que juriste spécialisé dans le digital ?
J’interviens au fur et à mesure des problématiques qui me sont posées dans les projets digitaux que développent l’entreprise. La thématique du digital est par nature transversale ce qui aboutit à intervenir dans beaucoup d’activités que mon entreprise exerce.
J’interviens par exemple sur le développement de la signature des contrats entre la banque et ses clients par le procédé de la signature électronique. Je travaille également sur la manière dont la relation entre les clients et les futurs clients peut s’entretenir de manière totalement dématérialisée. Ces procédés ne comportent pas que des aspects technologiques, ils sont rigoureusement encadrés par des textes plus ou moins récents et qui font régulièrement l’objet de réformes.
Pouvez-vous nous donner un exemple d’une situation à laquelle vous êtes confronté ?
Lorsqu’une banque entre en relation avec une personne qui souhaite devenir cliente, il faut s’assurer conformément aux dispositions du code monétaire et financier, d’une part, de l’identité de la personne et, d’autre part, de son authentification c’est à dire, la confirmation que la personne qui se présente est bien celle qu’elle prétend être.
Dans le monde physique la réalisation de cette vérification paraît évidente à réaliser par la simple présentation de la carte d’identité et la comparaison avec la personne physiquement présente. Dans le cadre d’une entrée en relation à distance, c’est à dire de manière dématérialisée, cette identification et cette authentification pose naturellement beaucoup plus de difficultés.
Des textes de lois et des normes techniques sont apparues récemment pour le permettre, mais il s’agit de s’assurer de leur bonne compréhension et de leur parfaite application.
Sur ce projet, l’intérêt réside également, de travailler avec plusieurs intervenants tels que les personnes qui élaborent les solutions techniques.
Quel est votre rapport au droit ?
En premier lieu, je dois dire que ce qui m’attire dans le droit se trouve dans sa nature de science humaine. Le pourquoi et le comment des règles qui régissent les rapports entre personnes.
Dans un second temps et de manière plus concrète, je trouve de l’intérêt à interpréter les textes qui viennent régir des domaines nouveaux, et concomitamment auditer les contrats des entreprises prestataires avec lesquelles mon entreprise peut être amenée à collaborer pour s’assurer de la robustesse juridique de la prestation qu’elles proposent.
Enfin, une grande place doit également être consacrée à la veille, c’est à dire l’étude de la jurisprudence, et aux échanges avec différents interlocuteurs (juristes ou non) afin de s’assurer de l’état du droit sur tel ou tel point en temps réel.
L’échange avec les autres me paraît fondamental, tout d’abord parce que les rapports humains sont nécessaires pour la transmissions des connaissances, ensuite il est toujours plus confortable et sécurisant de voir son avis être validé, et enfin certaines solutions apparaissent parfois du regard de personnes ayant un peu de recul sur la situation.
Les textes que vous appliquez sont-ils récents ?
Oui et non.
J’applique le code civil tous les jours, même si évidemment il a fait l’objet de plusieurs réformes, n’oublions pas qu’il date originellement de 1804.
D’un autre côté, et concernant par exemple le sujet de la signature électronique cité précédemment, le code civil l’a intégré dès 2000 dans son article actuel 1367, dont l’application dépend indirectement d’un règlement européen datant de 2014 qui lui-même est en cours de révision au sein des institutions européennes, pour une entrée en vigueur prévue l’année prochaine.
Le droit est en perpétuelle évolution et le nombre de textes semble parfois exponentielle.
Pouvez-vous décrire le service juridique dans lequel vous travaillez ?
Au sein de la direction juridique il y a soixante personnes qui sont réparties au sein de différents pôles. Il y a tout d’abord une partie regroupant des spécialistes du contentieux du recouvrement. Il s’agit pour eux de gérer les dossiers des personnes qui éprouvent des difficultés à rembourser leur prêt.
Il y a un pôle de spécialistes qui interviennent sur la réglementation dans le domaine des marchés financiers.
Une autre partie du service juridique est composée de spécialistes en charge des contrats que la banque peut avoir besoin de conclure avec tel ou tel prestataire.
Il existe un pôle spécialisé dans les questions de croissance externe de la banque.
Pour terminer, il y a le pôle dont je fais partie qui est dédié au digital. Au sein de ce pôle, une spécialiste est notamment en charge des problématiques de propriété intellectuelle, une autre personne en charge du marketing, nous avons aussi une personne spécialiste du crédit, et deux personnes en charge des comptes et moyens de paiement.
Parmi vos amis juristes que pouvez-vous dire des domaines dans lesquels ils exercent ?
Au fil de mon parcours de formation et professionnel, j’ai pu tisser et conserver des liens qui comptent. J’ai bien entendu conservé des amis qui exercent toujours l’activité d’avocat. Certains en droit des affaires, d’autres dans le domaine du numérique, et d’autres en tant que pénalistes.
Je dois citer nommément mon cher ami Pierre Cornou, avocat de formation, qui, comme moi, est actuellement juriste en entreprise après avoir exercé la profession d’avocat, et qui est l’un des fondateurs du site aijedroit.com et de l’association Patrimoine Commun.
L’une de mes amies exerce une activité qui la passionne puisqu’elle travaille auprès du contrôleur des lieux de privation de liberté, qui est une autorité administrative indépendante dont le but est de contrôler les conditions dans lesquelles les personnes sont privées de leur liberté (établissements pénitentiaires, centre de rétention dans les aéroports, cellules de garde à vue…).
Une autre de mes amies exerce au sein de l’administration des douanes. Pour terminer je citerai l’un de mes amis qui est notaire.
Le domaine du digital existe-t-il depuis longtemps ?
A vrai dire oui. Je prendrai comme exemple la personne qui m’a donné le goût de cette matière, Me Bernard LAMON qui exerce au Barreau de Paris et de Rennes. Il est le premier avocat à avoir reçu, en France, le titre de spécialiste en droit de l’informatique et des technologies en 2004. Il a toujours exercé dans ce domaine.
Je remarque tout de même que depuis maintenant environ 5 ans ce domaine du droit est en pleine expansion, et c’est une bonne chose, car les besoins de juristes qualifiés en la matière sont importants.
Avez-vous remarqué une évolution du recours au numérique depuis la pandémie du Covid- 19 ?
Bien évidemment, le besoin pour chacun de continuer à mener ses projets avec la contrainte, compte tenu des circonstances, de le faire à distance, a nécessité de développer des solutions permettant la réalisation d’opérations de manière dématérialisée.
Chacun d’entre nous a pu le constater, ne serait-ce que dans nos conditions de travail.
Quelles sont les qualités requises pour devenir un bon juriste ?
Je me souviens, lors de mes études, avoir fait un test en ligne concluant que le droit n’était pas fait pour moi. Aujourd’hui j’en rigole…
Il y a tellement de manière d’exercer le droit qu’il est difficile de répondre à cette question. Je m’avancerai sur quelques qualités que j’estime transversales aux différentes professions juridiques, l’attirance pour les sciences humaines, de la curiosité, comprendre que la priorité est d’abord de circonscrire la question qui nous est posée avant de s’intéresser à la réponse, de la rigueur (pas nécessairement dans sa méthode! mais inconditionnellement dans les réponses que l’on se doit d’apporter à son client), enfin, et même si il est impératif de prendre l’air pour s’aérer les idées, il ne faut pas se le cacher, il ne faut pas avoir peur de rester assis un bon nombre d’heures sur une chaise.
Propos recueillis par : Nolwenn DAHERON