« La parole est un sport de combat » explique Me Bertrand Perrier. Cette phrase est encore plus juste lorsqu’elle s’applique à l’expérience de la conférence BERRYER.
Les origines de la conférence
Me BERRYER
Pierre-Antoine BERRYER 0(4.01.1790 – 29.11.1868) continua la carrière de son père Pierre-Nicolas BERRYER et embrassa la profession d’avocat.
Il fut connu pour la conviction qu’il portait dans la défense politique et pénale.
Sa particularité était de défendre ceux qui n’avaient pas les faveurs du pouvoir.
Tout en s’affichant ouvertement royaliste, sous la seconde restauration il défendit des généraux bonapartistes tels que le Maréchal NEY qui fut exécuté, et des généraux DEBELLE et CAMBRONNE qu’il fit échapper à la peine capitale.
Lors du procès du général Donnadieu, il alla jusqu’à se séparer du ministère et publier contre Decazes un mémoire dans lequel il accusait le gouvernement d’avoir fomenté l’insurrection.
Il est connu également pour avoir défendu Chateaubriand sous la Monarchie de Juillet mais également avoir fait partie du conseil de défense du prince Louis Napoléon Bonaparte.
Homme politique il siégea sous la seconde république au sein de la commission sur l’assistance et la prévoyance publique présidée par Thiers.
Avocat jusqu’au bout, sous le second Empire il abandonné la vie politique pour être nommé Bâtonnier, soutien d’un jeune avocat en devenir Jules Ferry.
Il afficha également son amour pour la liberté d’expression en défendant toute sa carrière des journaux d’opinion.
La conférence BERRYER
C’est la raison pour laquelle la conférence BERRYER a été nommée en son honneur.
Elle perpétue la défense, l’art oratoire pour lequel il était particulièrement connu, mais également la liberté de parole et d’opinion.
Cette conférence existe depuis 1871, initialement à vocation d’être un lieu d’entraînement des candidats au concours de la Conférence des avocats du barreau de Paris (qui permet de nommer les 12 secrétaires de la Conférence).
Les critiques qu’ils y enduraient visaient à améliorer la qualité de leurs discours.
La Berryer se déroule, une fois par mois, initialement dans la Salle des Criées du Palais de Justice (Cour d’appel de Paris), elle est depuis délocalisée au sein de la maison de l’avocat derrière l’ancien palais de justice.
Elle est sous la responsabilité du quatrième Secrétaire qui s’occupe de l’organiser, de choisir l’invité d’honneur, de recruter les candidats et de définir les sujets.
Le déroulement de la BERRYER
Avant la conférence
Les candidats sont sélectionnés sur CV par le quatrième secrétaire.
Initialement destinée aux avocats en raison de son objectif d’entrainement à la conférence du stage, elle s’est démocratisée pour s’ouvrir à toute personne désireuse d’exprimer son verbe.
Une fois sélectionnés, ils sont « sensés » connaître le sujet 15 jours avant le jour de la conférence, ce qui n’est jamais le cas. En réalité ils ont quelques jours (en moyenne 5).
Les candidats ont à la fois le choix entre deux sujets, mais également, de choisir de soutenir la positive ou la négative.
Exemples de sujets :
- Doria mi fa sol ?
- Faut-il planter son bâton ?
- Doit-on laisser le harem à l’eunuque ?
- Faut-il tout faire en solo ?
- Thé ou caméra café ?
- Jouer, c’est tromper ?
- Un agent sans secret, est-ce le monde à l’envers ?
- Existe-t-il un animal derrière chaque homme ?
- Jésus peut-il avoir le démon ?
Durant la conférence
Les secrétaires entrent dans la salle, déclamant, criant, vociférant parfois. L’ambiance est légère et dynamique, leur arrivée est tout sauf discrète.
Une fois installé le 4ème secrétaire va déclamer quelques mots à l’attention du public qui sera pour la soirée appelé « Peuple de BERRYER » avant de laisser la main généralement au 2ème secrétaire pour le portait de l’invité.
Ce portrait va être dressé de manière humoristique, rappelant des éléments biographiques de l’invité tout en étant un éloge qualifié de « doux-amer ».
L’invité aura la possibilité à la fin de celui-ci de rectifier les quelques contre-vérités lancées en public.
Par la suite les deux candidats vont se produire, la recette étant la même.
Le 4ème secrétaire va présenter rapidement, de manière élogieuse ou non, le parcours du candidat et rappeler son sujet.
Celui-ci a une dizaine de minutes pour le traiter, tel un concours d’éloquence classique.
S’ensuit le moment tant attendu, particularité de cette conférence, les douze critiques.
Chaque secrétaire va, un par un en partant du 12ème jusqu’au premier, critiquer avec plus ou moins de véhémence pointée d’humour le discours du candidat ou certains éléments présents sur son CV.
En principe, les secrétaires ne peuvent reprendre des éléments de critiques déjà tenus par leurs confrères raison pour laquelle le 1er secrétaire qui est censé être le meilleur est le dernier à prendre la parole.
Une fois les critiques terminées, le dernier mot revient à l’invité qui a le choix de défendre ou non le candidat.
Une fois que les deux candidats ont subis leurs critiques, un appel est lancé en direction du public pour savoir si quelqu’un à quelque chose à redire avant de se quitter.
La tradition veut que deux anciens secrétaires, qui vont se présenter comme contre-critiques, se lèvent pour assassiner verbalement les douze secrétaires sur leur propre façon de se croire eux-mêmes éloquents.
La boucle est bouclée, l’arroseur arrosé, la tartufferie est démasquée.
Finalement la conférence Berryer est un excellent exutoire pour ceux qui aiment l’art oratoire.
Le public vient pour regarder un jeu de théâtre destiné à le divertir par des bons mots et des rires.
Les candidats viennent se confronter à un exercice original pour améliorer leurs discours tout en riant d’eux-mêmes.
Les secrétaires perpétuent cette tradition afin d’offrir une réelle place à la liberté d’expression et à l’art oratoire quel que soit l’origine du candidat.
Les anciens secrétaires, plus expérimentés, participent à ce jeu afin de donner une leçon universelle et essentielle pour tous d’humilité.
Auteur : Jessica Lacombe, Elève Avocate