Rencontre avec Madame Anne Sophie Puget, Maître de Conférence à l’Université de Bretagne Occidentale (29)

Professeur Pujet

Madame Puget est maître de conférence en droit privé et sciences criminelles. Elle exerce la fonction d’enseignante chercheur à l’Université de Bretagne Occidentale (29), qui dispose de deux pôles universitaire, l’un à Quimper, l’autre à Brest. Elle est également responsable de « la filière droit » à Quimper.

Madame Puget, pourriez-vous nous expliquer quelles études vous avez suivi ?

J’ai suivi le parcours des cinq années classiques d’études de droit. J’ai alors obtenu un Diplôme d’Études Approfondies (DEA), diplôme de niveau bac+5, actuellement appelé Master 2. Ensuite, j’ai poursuivi mes études avec un doctorat en droit privé, dans le cadre duquel j’ai rédigé une thèse. L’obtention du grade de « docteur » se fait suite à une soutenance devant un jury de professeurs d’université. Ma thèse a porté sur la notion d’objet du contrat. Elle a été sélectionnée pour être publiée par une grande maison d’édition, ce qui lui permet de figurer en tant qu’ouvrage dans toutes les bibliothèques universitaires.

Comment s’est passé votre recrutement pour enseigner au sein de l’université ?

Pour devenir maître de conférences, il faut d’abord être docteur puis passer un concours qui se déroule en plusieurs étapes. La première étape consiste à être « qualifié » par le Conseil National des Universités (CNU). Les candidats sont ici jugés sur leurs travaux de recherches, il faut donc présenter des travaux de qualités suffisantes (thèse, articles…). Plusieurs mois sont passés entre ma soutenance de thèse et cette première étape : les qualifications ne se font en effet qu’une fois par an.

Après l’obtention de cette qualification, arrive la deuxième étape du concours. Il faut postuler au sein des établissements que l’on souhaite, on appelle cela « faire son tour de France », puisque le Ministère crée des postes en France tous les ans (environ quinze postes pour le droit privé, mais cela dépend des années). Ces candidatures se font en deux temps : un comité composé d’enseignants au sein de l’université et de personnes extérieures sélectionne d’abord des candidats sur dossier. Ces candidats sont ensuite « auditionnés » par ce comité, qui procède ensuite à un « classement » de 4 ou 5 personnes.

Personnellement, je me suis rendue dans six ou sept villes de France en quelques jours (La Rochelle, Nantes, Nancy, Reims etc…), et j’ai obtenu un poste à l’université de Reims, car j’y avais été « classée première ». J’ai donc commencé par enseigner à la faculté de droit de Reims, avant d’être recrutée quelques années plus tard à Brest, selon la même procédure.

Cependant, j’ai commencé à enseigner dès mes années de thèse, au poste de chargée de travaux dirigés.

Vous qui avez été chargée de travaux dirigés, pourriez-vous nous dire quelles sont les personnes qui peuvent exercer cette fonction ?

Les chargés de TD sont généralement des personnes en doctorat, comme cela a été mon cas. Cette fonction est une manière pour elles de financer leurs études et de confirmer leur souhait de devenir enseignant-chercheur.

Les chargés de TD sont aussi souvent des professionnels du droit, passionnés par leur pratique, qui transmettent ainsi leur expérience aux étudiants.

Statutairement, pour être chargés de TD, il est nécessaire soit d’être inscrit en doctorat, soit de justifier d’un travail à coté suffisamment important pour vivre.

Que vous a apporté la fonction de chargé de TD ?

Cela m’a beaucoup plu, c’est un véritable travail humain d’enseigner.

J’ai trouvé cette expérience très impressionnante mais aussi très enrichissante. C’est impressionnant de se retrouver pour la première fois devant des étudiants qui ont presque notre âge ! Bizarrement nous ne recevons aucune formation avant d’assurer nos premiers cours. Il faut donc inventer, essayer de faire au mieux, tester des méthodes pour rendre les cours intéressants. A l’époque, j’ai ressorti mes propres cours d’étudiante pour m’inspirer, j’avais gardé toutes mes fiches de TD. Et même si le droit change souvent, l’exemple de mes propres professeurs m’a beaucoup aidé.

En faisant des TD, j’ai découvert ma vocation et j’ai été confortée dans l’idée d’aller jusqu’au bout du doctorat pour devenir universitaire.

Il faut s’accrocher, le parcours est difficile et long jusqu’au recrutement.

Quelles sont les qualités requises pour devenir un bon enseignant ?

C’est une belle question, difficile aussi, car je ne sais pas ce qu’est être « un bon enseignant ». Ce sont les étudiants qui peuvent le dire, car c’est pour eux que l’on enseigne.

Mais je considère qu’il faut être passionné.

Il faut aimer apprendre car pour bien expliquer quelque chose aux autres, il faut d’abord l’avoir bien compris soi-même.

Il faut aimer douter, vérifier sans cesse ses sources, se demander comment transmettre le plus clairement possible.

Il faut aimer parler en public bien sûr, mais cela s’apprend avec le temps.

Il faut se souvenir que l’on forme des étudiantes et des étudiants, qu’on leur donne un bagage qui sera important pour leur vie professionnelle. C’est une responsabilité importante et très riche humainement.

Exercez-vous une autre fonction à côté de celle de l’enseignement ?

Je suis enseignant-chercheur, comme tous les maîtres de conférences. Cela signifie qu’en principe la moitié de mon temps doit être consacré à la recherche scientifique : écriture d’articles, d’ouvrages, participation à des colloques, encadrement de mémoires, par exemple. Ce travail s’effectue dans le cadre d’un laboratoire de recherches, dont je suis membre.

Ces travaux, moins visibles pour les étudiants, sont jugés par nos pairs régulièrement. Les universitaires ont la chance d’avoir une grande liberté dans l’organisation de leur travail, aussi ce temps de recherches peut se faire à des moments où l’on a moins de cours par exemple.

Une grosse partie de mon temps est aussi consacrée à des tâches plus « administratives ». Comme beaucoup de collègues, j’ai accepté certaines responsabilités à la faculté, quoique je n’y sois pas obligée. C’est important pour le fonctionnement de l’université.

J’ai par exemple été « présidente de la section Droit privé et sciences criminelles », ce qui implique de confier, avec l’accord des collègues, les cours et les TD aux enseignants. J’ai également été « Directrice des Etudes de la licence », avec un rôle pédagogique important auprès des étudiants.

Avez-vous d’autres attributions au sein de l’établissement ?

Je suis en effet responsable de « la filière droit » à Quimper. Notre faculté étant sur deux villes, Brest et Quimper, il est important pour les étudiants quimpérois d’avoir une sorte de référent localement. Nous mettons ainsi ensemble en place des projets à Quimper. J’organise par exemple un « forum des métiers du droit » pour que les étudiants puissent rencontrer des professionnels.

Pourriez-vous nous dire comment est née votre vocation d’enseigner, est-ce un rêve d’enfant ?

Ce n’est pas vraiment un rêve d’enfant. Enfant, je crois que je voulais être archéologue, puis plus tard écrivain. Je n’étais pas très forte en mathématiques, mais j’adorais lire et raconter des histoires. J’étais très timide et je n’aurais jamais imaginé parler devant un grand amphithéâtre.

Ma vocation pour l’enseignement est arrivée tardivement, en début de doctorat, en commençant à enseigner en TD. Au début de mes études de droit, je ne savais pas trop vers quelle profession me diriger. Le droit mène à tellement de métiers ! Finalement, je l’enseigne, et c’est un magnifique métier.

Qu’aimez-vous dans l’enseignement ?

Tout.

Préparer les cours, avec des ouvrages, des lectures, des recherches juridiques.

Écrire les cours de la manière la plus claire possible, trouver les bons exercices à proposer.

Faire les cours aux étudiants, c’est le moment ! On en sort parfois fatigué car cela demande beaucoup d’énergie de parler plusieurs heures, dans un micro en essayant de capter son auditoire. Mais c’est aussi une poussée d’adrénaline, que connaissent les conférenciers ou les acteurs.

Après le cours, corriger les copies d’examens ou faire passer des oraux. On voit alors comment les étudiants ont travaillé, ont compris les choses.

A la fin de l’année, et plus tard, la joie de voir ses « anciens » étudiants réaliser leurs projets, avancer dans leur vie, dans le droit ou ailleurs !

Auriez-vous un conseil pour celles et ceux qui liraient cet article et souhaiteraient enseigner comme vous ?

Suivre ses rêves.

Auteur : Nolwenn DAHERON

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